Rome, samedi 10 septembre 1960, 17 h 30. Dans deux heures, quinze minutes et seize secondes, Abebe Bikila va gagner le marathon olympique. En plus de battre le record du monde en terre italienne plus de vingt ans après la prise d’Addis-Abeba par Mussolini, le soldat éthiopien va courir les quarante-deux kilomètres et cent quatre-vingt-quinze mètres pieds nus. “Vaincre à Rome, ce serait comme vaincre mille fois”, a dit Hailé Sélassié. Vaincre pieds nus, c’est comme jouer sur les pistes des hauts plateaux abyssins. En pleine période de décolonisation et de démembrement des empires européens, un jeune Africain remporte l’or et couronne tout un continent.
Seul un tour de force littéraire pouvait rendre compte d’un tel exploit sportif : Sylvain Coher parvient à insu?er à la langue le rythme, la mécanique, les accélérations d’une course de fond, jusqu’au bien-être des endorphines, jusqu’à l’envol ?nal du sprint. Devenu Petite Voix dans la tête du champion, il se coule dans la cadence variable de sa foulée infatigable pour raconter comment grandissent les héros, comment se relèvent les peuples, comment se gagnent les revanches et comment naissent les légendes.
“La première fois que j’ai entendu parler d’Abebe Bikila c’était à la télévision il y a une quinzaine d’années. Un documentaire sur les « Légendes du sport » – de ces programmes qu’on regarde d’un oeil en attendant le sommeil. J’ai observé cet Éthiopien filiforme courir le marathon à Rome le 10 septembre 1960 ; j’ai vu le zoom de la caméra sur ses pieds nus et j’ai griffonné son nom dans mon carnet de notes. Celui d’un simple soldat qui allait devenir le premier champion olympique africain de l’Histoire. Plus tard j’ai pu commencer à écrire sur cette course à la Villa Médicis, en me documentant et en refaisant plusieurs fois l’étonnant parcours dans la Ville éternelle. Véritable légende sportive, le « coureur aux pieds nus » me fascine toujours autant. Ses performances et sa vie tragique en font un personnage romanesque presque mythologique ; un double contemporain du Philippidès de l’Antiquité.
Le contexte de cette année phare de la décolonisation et la proximité des deux guerres italo-éthiopiennes dessinaient les contours politiques de l’exploit. Il m’a fallu plusieurs années encore pour poser la trame du roman dans l’intervalle strict de la course, durant les 2 heures 15 minutes 16 secondes du marathon d’Abebe. À la première personne, pour que le flux de conscience du coureur puisse aller au plus près de celui du lecteur. Il ne me restait plus qu’à trouver la musique et le rythme d’un roman que je voulais « performatif » : écrire en fonction du corps, pour éprouver par procuration la force intérieure qui accompagne le héros jusqu’à la victoire. Lire comme on court est le pari de ce livre.’’
S. C.
août, 2019
11.50 x 21.70 cm
176 pages
ISBN : 978-2-330-12498-4
Prix indicatif : 18.50€
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Une écriture "en fonction du corps ", de ses ressentis, pour éprouver par procuration la force intérieure qui guide les héros, fait se relever les peuples et naître les légendes. C’est la musique de ce roman. Coher n’occulte aucun sujet. [...] La performance littéraire de Sylvain Coher tient dans ce récit à la première personne qui fait se rejoindre le "flux de conscience" du coureur à pied et celui du lecteur.
S’il nous permet de pénétrer dans l’esprit du champion, de comprendre ses choix tactiques, d’approcher au plus près les ressorts psychologiques et politiques qui lui ont permis de devenir le vainqueur naturel de ces JO, la façon dont le roman nous fait visiter Rome, en suivant le parcours des coureurs, n’est pas le moindre de ses charmes. Sylvain Coher, qui fut pensionnaire de la Villa Médicis (2005-2006), connaît suffisamment la ville et sa puissance symbolique pour faire défiler avec bonheur les monuments romains en leur accordant tout leur prix, en évitant l’écueil du cliché romanesque aussi bien que touristique. Par la grâce de l’écriture, le scénario connu d’avance et les lieux décrits à l’envi se laissent découvrir comme pour la première fois.
Sylvain Coher signe un brillant roman, Vaincre à Rome, qui raconte d’une écriture brûlante la course victorieuse et si symbolique d’Abebe Bikila au marathon olympique de Rome en 1960.
Par ce texte polyphonique qui fait miroiter les multiples aspects d'une revanche, jusqu'à éveiller des échos avec les migrations contemporaines, Sylvain Coher montre à nouveau qu'il tient la distance. On admire l'exercice de style, qui ensorcelle aussi sûrement que les effluves de bitume.
Pour composer ce monologue, Sylvain Coher invente une écriture, tantôt vive, tantôt nourrie d’endomorphine. Son récit est sec comme un muscle tendu, mais s’étire comme les avenues pavées de la Ville éternelle. On y note quelques baisses de tension sans distinguer si elles tiennent à l’auteur ou au coureur. Et puis le rythme reprend, scandé par les interventions du speaker ; les kilomètres passent, l’histoire se déroule dans un temps étrange, à la fois fugitif et lent. De ce livre émerge la voix sage et endurante d’Abebe Bikila, qui suffit à justifier qu’on le remarquât.
Sylvain Coher s’empare ici de l’exploit d’Abebe Bikila à la première personne, dans un récit qui tient sur le souffle et déroule un flux de pensée in situ. Familier de la restitution littéraire du mouvement (collision de l’amour et de la moto dans Carénage ; traversée de la Manche par des migrants qui apprennent le maniement d’un voilier dans Nord-nord-ouest), il pousse ici le processus au paroxysme : sous forme de contre-la-montre, l’avant-propos est déjà un encouragement à lire plus vite que le protagoniste ne court.
La voix de cet excellent roman est celle d'un monologue intérieur, distillé tout au long de la course par un coureur cultivé qui saisit les connotations des rues et quartiers qui font le décor de sa course.
Un pied de nez à l’Italie postmussolinienne au temps où les sportifs étaient encore purs.
Le lecteur se laisse embarquer dans ce récit qui tient la distance, les battements de cœur s’accélérant comme les mots de Coher pour décrire le final irrésistible de Bikila devant le Marocain Abdeslam Radi.
Formidable prouesse : Sylvain Coher donne à son récit un rythme en parfaite adéquation avec la discipline. On y sent la fougue, l’excitation, la rage du coureur. Jamais sa lassitude, puisqu’Abebe Bikila avait surpris tout le monde en arrivant sans afficher de signe de fatigue, juste une inflexible détermination. Sylvain Coher l’a retranscrit avec talent.
Un roman en forme de monologue aussi sportif que littéraire.
Un roman atypique doté d’un souffle épique dont on ressort la respiration coupée, hors d’haleine.
Le pari - réussi - est que l’écriture adopte le rythme du marathonien, le pas martelant le pavé inégal de la voirie romaine, le souffle rapide et régulier, la soudaine accélération des 500 derniers mètres.
Une écriture étincelante
Un pari d'endurance, où la prose de l'auteur coule dans la foulée inépuisable de cet elfe de 28 ans, arborant un débardeur vert, un short rouge, aux couleurs de l'Éthiopie, sa patrie, effilant pieds nus à une vitesse moyenne de 20 km/h sur 42,195 km. Tout y est, de la sueur qui brûle les yeux à la volonté de revanche sur l'envahisseur mussolinien. Un tour de force haletant en deux heures quinze minutes et seize secondes. [...] Sylvain Coher offre une deuxième vie à cette aventure héroïque, célébrant dans la foulée tous les marathoniens.
Vaincre à Rome tient en haleine, essouffle, emporte, éreinte, libère.
Ce roman se savoure deux fois : avec les jambes et le cœur, à rude épreuve, quand on épouse le rythme fou du marathonien, mais aussi avec la tête, pour décortiquer une époque et ses failles, dans lesquelles on peut aussi nourrir, en miroir, la réflexion sur notre époque. Brillant comme l’or olympique.
Vaincre à Rome est une prouesse d’écriture.
Avec Vaincre à Rome, Sylvain Coher porte haut les couleurs d’une littérature, exigeante, parfois éprouvante, mais terriblement stimulante.
Un roman haletant sur un fait sportif légendaire, qui se dévore avec beaucoup de plaisir.
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