Disparaître est un drôle de verbe. On croit que c’est une action – comme au cinéma : "Action !" Pourtant, parfois, des femmes (des actrices, qui font profession d’agir sur grand écran) sont "activement" disparues. Souvent par des hommes.
Ainsi de Tippi Hedren, punie pour avoir résisté au maître Alfred Hitchcock, qui l’avait épinglée comme le plus beau papillon de sa collection dans "Les Oiseaux" et dans "Pas de printemps pour Marnie". Éjectée du cadre de Hollywood, Tippi s’inventera d’autres histoires, affrontera d’autres fauves, des vrais. Elle est toujours en vie.
Melanie Griffith est la fille de Tippi Hedren. Son visage (et son corps nu) a éclairé les années 1980 comme un astre. Passé trente-cinq ans, on lui a beaucoup demandé où elle avait disparu. "Mais de quoi vous parlez ? Je viens d’enchaîner trois films !" répondait-elle.
Attendez. Melanie Griffith a une fille. Dakota Johnson est devenue la superstar la plus discrète de sa génération en jouant le rôle d’une jeune soumise qui signe avec un mâle dominant un contrat de non- existence. En 2015, plus de 4 millions de spectateurs ont vu "Cinquante nuances de Grey". Rien qu’en France. Qui connaît Dakota ?
Action ou vérité ? Dans cette enquête arachnéenne aussi ludique qu’une partie de roulette russe, Hélène Frappat interroge et décortique "tout" : les mots, les chiffres, les dates et les noms, les images et les ombres, le destin et la liberté. Pour élucider l’extraordinaire concentration de maltraitance cinématographique et patriarcale sur cette lignée de femmes coriaces, par-dessus le justaucorps de Fantômette, elle a enfilé l’imperméable de Columbo. Son livre crépite comme la machine à écrire d’une détective sous influence.
« J’AI TOUJOURS AIMÉ LES FUGITIVES.
Dans les romans et les films, c’est une femme qui marche trop loin sur la plage, s’écarte de ses habitudes, s’éloigne de sa vie, change de direction. L’heure du dîner est passée depuis longtemps quand elle entre dans un hôtel anonyme et prend une chambre sous une nouvelle identité. Parfois elle a même eu le temps de se débarrasser de ses anciens vêtements et d’endosser une perruque.
Que fuit-elle ? Elle-même ne le sait pas. Peut-être attend-elle, dans sa chambre d’hôtel vide, qu’un détective la retrouve et prenne en note, sur son petit carnet noir, le récit de la fugue qui l’a menée là ?
J’ai toujours aimé les actrices.
J’ai cinq ans, je dois veiller tard. Au Cinéma de minuit, je suis foudroyée par l’apparition de Rita Hayworth dans Gilda. Des semaines durant, je pose inlassablement à ma mère la même question : « Comment elle s’appelle, la dame ? » Je m’endors en mâchant maladroitement les syllabes de son nom.
Sur l’écran – du cinéma, de notre mémoire –, les actrices font en grand ce que font toutes les femmes. Les actrices sont en grand ce que tous les êtres humains sont.
J’ai toujours aimé les détectives.
Petite, je me prenais pour Fantômette. J’embarquais mes camarades de classe dans des filatures clandestines. La rue est souvent louche aux yeux d’une enfant.
Il y a vingt ans, hypnotisée par le documentaire de Rosanna Arquette, Searching for Debra Winger, sur une star hollywoodienne disparue des radars, j’ai écrit un article pour La Lettre du cinéma. Je pressentais que « le fantôme, ou le fantasme de toute actrice, c’est disparaître, en continuant à exister ».
Il m’a fallu vingt ans pour écrire ce fantôme, et ce fantasme. Vingt ans pour partir à la recherche de mes trois héroïnes : la grand-mère Tippi, la fille Melanie, la petite-fille Dakota. Pour faire revivre l’enfant détective. Pour enquêter sur une histoire louche, une histoire sale que le monde entier avait depuis des décennies sous les yeux, sans jamais vouloir la regarder en face. Les écrivaines détectives amnésiques sont tenaces : elles ne lâchent l’enquête que lorsque tous les recoins de l’énigme ont été éclairés par la magie inquiétante et bienfaisante d’un récit qui rend à chacun sa mémoire.”
H. F.
janvier, 2023
11.50 x 21.70 cm
192 pages
ISBN : 978-2-330-17412-5
Prix indicatif : 20.00€
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Un des livres les plus intéressants de la rentrée. [...] Un livre fascinant. La construction est brillante.
Le livre prend une ampleur et une puissance qui m’a complétement convaincue.
Hélène Frappat se présente comme une détective, tout au long du livre, qu’elle habille avec autodérision de l’imperméable de l’inspecteur Colombo. Le limier Frappat établit des liens, a des intuitions et de façon très ludique entraîne le lecteur dans ses déambulations cinéphiliques.
Avec une ironie délicate et une vraie empathie pour ces trois stars déchues, Hélène Frappat endosse le rôle d'une détective pour sonder dans ce passionnant livre enquête la généalogie de ces trois stars hollywoodiennes déchues.
Hélène Frappat explore ces trois destins au fil d’un livre vertigineux, en forme de jeu de marelle, entre vie et trépas. Elle lance ses mots-cailloux de plus en plus loin dans les cases où ces femmes furent enfermées, provoque des éclaboussures d’associations d’idées et d’images, traque les schémas répétitifs des existences, ramasse les poussières d’étoiles mortes.
Hélène Frappat reconstitue la folle histoire de ces trois générations de femmes qui crèvent littéralement l'écran. Visage et corps exposés, ceinturés, torturés et sublimés : un crime de famille où le cinéma est à la fois le coupable, le complice, le remède et la vengeance.
Gloire, alors, à la meilleure généalogiste du 7e art !
Tout en racontant l’histoire de cette lignée d'actrices maudites revenues de tout et « dont la vie et les rôles s'imitent, se reproduisent, se répondent », la détective Frappat s’aventure dans une étonnante proposition littéraire. Une enquête post-#MeToo délicieusement ludique.
Hélène Frappat déroule les témoignages, les extraits d’entretiens, les mémoires de Hedren, pioche dans sa vaste bibliothèque. C’est la non-fiction narrative à son meilleur degré.
La romancière et critique de cinéma Hélène Frappat s’attache sous forme d’enquête fictionnelle au destin en forme de malédiction de trois générations de stars hollywoodiennes et donne à voir leur effacement, paradoxalement sous nos yeux.
Je suis impressionné par la qualité du livre.
Hélène Frappat, critique aux Cahiers du cinéma, mène l’enquête et raconte le destin de ces femmes secouées par la machine hollywoodienne, tout à la fois victimes de la violence des hommes, de la sexualisation à outrance et de la misogynie.
Dans la plus pure tradition de la narrative non-fiction américaine, Hélène Frappat, critique aux Cahiers du cinéma, mène l’enquête et raconte le destin chaotique de cette lignée de femmes secouées par l’impitoyable machine hollywoodienne, des victimes comme tant d’autres de la misogynie, de la sexualisation à outrance et de la violence des hommes.
Dans Trois femmes disparaissent, la romancière enquête sur le sort terrible qu’Hollywood a réservé à Tippi Hedren. Et qui s’est abattu sur sa célèbre descendance.
En interrogeant les itinéraires de ces trois femmes, c’est la question de la transmission qu’Hélène Frappat met au travail avec style. C’est-à-dire avec recherche, avec émotion – et une vive intelligence. [...] Dans ce livre poétique et poignant, ce n’est pas le réel qui mène à l’art, mais l’image – cinématographique, bien sûr, mais aussi cette image littéraire qu’est la métaphore, et dont la mention ouvre le livre – qui mène à la réalité.
Un très grand coup de cœur, c’est un livre formidable.
Dans un style qui tient du carnet d'enquêteur, du livret d'opéra, du poème et de la confession secrète, Hélène Frappat reconstitue magistralement trois destins hollywoodiens liés par une même tragédie, ceux de Tippi Hedren, Mélanie Griffith et Dakota Johnson.
La boucle est bouclée et la mise en abyme ahurissante. C'est ce que raconte Hélène Frappat dans ce passionnant roman publié chez Actes Sud.
Cette œuvre hybride, nourrie de réflexions brillantes, convoque aussi Agatha Christie, Alice (au pays des merveilles) et le lien à la mère. « Chaque génération est-elle condamnée à devenir la version dégradée de la précédente ? », interroge l’autrice.
Hélène Frappat se voit en détective (elle porte l'imperméable de Colombo, se réfère à Agatha Christie), fait des détours chez Henry James et James Barrie, avoue que tout dans cette enquête est une affaire de regard, et qu’il lui a fallu « vingt ans pour écrire ce fantôme et ce fantasme. Vingt ans pour partir à la recherche des [ses] trois héroïnes ». Mission accomplie avec ce livre brillant, caracolant et unique en son genre.
Un très bon roman.
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