À en croire la tante du jeune Benoit, il existe plusieurs catégories d’orphelins, et Benoit appartient à la pire : celle des enfants qui n’ont aucun géniteur. Ayant recueilli l’enfant après l’avoir arraché au cauchemardesque “Dortoir aux Entrailles” où il a passé ses premières années, la Tante a décidé de le remettre sur pied en lui con coctant toutes sortes de mets baroques, persuadée que seules de solides nourritures terrestres sont de nature à apaiser les angoisses d’un “neveu” obsédé par la mort.
Sous ce toit qui se veut providentiel, Benoit fantasme sur la chambre-sanctuaire de la Tante, s’interroge sur ses mystérieuses disparitions nocturnes et fréquente sa garde rapprochée, trois femmes sans âge, férues de records en tout genre et de ?lms d’horreur. Mais un jour, à la faveur d’une veillée mortuaire, Benoit découvre une étrange substance : l’ectoplasme. Les visions dont il est alors la proie font de lui un spirite précieux aux yeux de la Tante, et sa rencontre avec Marguerite, abonnée aux enlèvements extraterrestres, ne va rien arranger. Ensemble, ils a?rontent des forces de plus en plus obscures jusqu’à une explosive révélation ?nale.
Livre des métamorphoses déguisé en farce funéraire, Substance entraîne le lecteur dans une quête aussi vertigineuse que poignante, où ce que l’on croit être se dissout à mesure que s’e?ace la frontière entre la vie et la mort.
“À l’origine de Substance, il y a cette chose étrange qu’est l’ectoplasme, forme tantôt liquide, tantôt vaporeuse, qui apparaît dès les débuts du spiritisme et tente de rendre compte, mieux que le traditionnel fantôme, de la persistance du vivant une fois franchies les portes de l’au-delà. (Qu’on ne s’y trompe pas : je ne me suis pas mis à faire tourner les tables…) Une forme, donc, à la fois rare et incertaine, pour ne pas dire douteuse, et qui m’a très vite paru idéale pour exacerber les rapports qu’entretient le personnage principal – Benoit – avec la mort.
Après plusieurs livres mettant en scène des états altérés de la conscience (le trouble de l’identité dans CosmoZ, la drogue dans Tous les diamants du ciel), des livres où les liens humains étaient envisagés sous l’angle de la violence (les accidents et le strip-tease dans Crash-test), il y a eu cette envie d’imaginer un décor en apparence paisible, un espace domestique, en retrait des turbulences, bref, une maison. Aussitôt a surgi une question, à la fois universelle et personnelle : celle des origines – tant il est vrai que chacun s’invente un au-delà à sa mesure. — D’où vient Benoit, ce jeune orphelin qui s’imagine avoir grandi dans la terre, ou du moins au fond d’un « Dortoir aux Entrailles » ? Qui est Marguerite ? A-t-elle vraiment été enlevée par des extraterrestres ? — Pour défroisser ces énigmes, et pour parler du rapport aux défunts, il importait qu’au tragique soit mêlé un ingrédient indispensable : la farce. Lecteur, te voilà prévenu : Substance est une comédie funèbre…
Avec ce livre débute un nouveau cycle dont le fil rouge est, si l’on veut, les limbes – ce « Cycle des Limbes » commence par le roman Substance, puis sera suivi d’un « mémoire » autour d’une histoire familiale liée à l’Algérie, à paraître l’an prochain (La Maison indigène), et s’achèvera par une biographie imaginée d’un poète mort à vingt-deux ans (L’Enfant pétrifié).”
C.
août, 2019
11.50 x 21.70 cm
352 pages
ISBN : 978-2-330-12540-0
Prix indicatif : 21.80€
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On est, devant Substance, ou plutôt dans Substance, pris par le piège de l’incompréhensible soudain placé à portée de main, de langue, de regard. On n’échappe pas à la fascination pour les événements transfigurés en une danse langagière où tout vibre à l’unisson de la vie et de la mort, rassemblées sous la force de rythmes envoûtants.
ce fort en prosodie semble avoir accumulé en lui une charge formidable d’images et de mots. Dans Substance, premier volume du Cycle des limbes, le vocabulaire mitraille en logorrhée piégeuse. […] Face à cette persistance des vivants (L’ectoplasme) qui questionne les origines terrestres, Claro se défend comme un beau diable, oppose les mots joueurs avec les maux. Avec une férocité macabre, la comédie noyaute cet opéra domestique. Un ouvrage sorti d’un mystérieux cortex hybride, de pure salubrité publique en cette rentrée littéraire.
Une curiosité littéraire, troublée de frissons et de ricanements, qui n’aura de cesse de tourmenter ses lecteurs.
Il y a toujours, à lire Claro, cette impression étrange qu'on déplie son propre cerveau. […] Tout ce que vous n’avez jamais osé penser, Claro l’a écrit. [...] Malgré ce tohu-bohu de références et citations, le lecteur ne se sent jamais perdu ni jaugé. Le maëlstrom de Claro est assez généreux pour que chacun puisse y perdre ses petits (sans forcément retrouver ceux des autres, peu importe).
Claro écrit bien. Comme trop peu d’auteurs il prend le temps de ciseler sa langue, de chercher ses mots, de poser des adjectifs précis comme autant de surprises, de malaxer sa syntaxe, sa ponctuation, jusqu’à ce que tout roule et râpe, dans un savant équilibre de complexité, de justesse et d’ironie.
S’il est une indéniable qualité chez l’infatigable romancier et traducteur, c’est bien sa spectaculaire capacité à se glisser dans des univers loin, si loin, des préoccupations de ses pairs englués dans d’éculés drames rive gauche.
Claro tisse une toile d’araignée qui fait vriller au fil des pages chaque niveau de réalité au moyen d’inserts aussi subtils qu’efficaces et pousse sa langue vers des confins poétiques. La puissance imaginative de Substance offre au regard de l’enfance, de l’adolescence, une vision emplie de mystère, chargée de baroque et qui questionne les tréfonds de l’identité, mettant en branle toute logique narrative. (…). L’humour ne manque pas au fil des pages de ce livre totalement inclassable et mordant.
Rajoutez une pincée d’enlèvements extraterrestres, et savourez sans modération.
Substance [...] peut être lu comme une recombinaison de plusieurs romanesques possibles, roman familial, roman d’initiation, roman spirite. [...] Claro crée un monde peuplé de tous les personnages et décors de l’occultisme façon XIXe, qu’il tient à distance avec le sens de la farce qu’on lui connaît. On ne devrait pas, pour autant, prendre ce roman pour un de ces innombrables « jeux avec les codes » d’auteur « revisitant » la littérature de genre. Si l’auteur s’amuse, et nous amuse, c’est pour être pris au sérieux.
Ambigu quant à son propos, complexe par sa forme, Substance constitue une expérience parfois exigeante, souvent excitante. Une sorte de déclinaison française de la weird fiction.
Le prolifique écrivain et traducteur Claro nous installe dans un récit hivernal, grisâtre, aux allusions mystico-fantastiques, aussi drôle que sombre.