Nous incarnons bien moins que nous le pensons, dans notre arrogance naturelle et candide, la femme libre ou libérée.
Nous montrons du doigt les femmes qui se couvrent les cheveux ; nous, on préfère se bander les yeux. »
Nancy Huston
Un dogme ressassé à l’envi dans la France contemporaine
: toutes les différences entre les sexes sont
socialement construites. Pourtant les humains sont programmés
pour se reproduire comme tous les autres
mammifères, drague et coquetterie étaient originellement
liées à la perpétuation de l’espèce.
Partant de ce constat simple mais devenu anathème,
Nancy Huston explore les tensions contradictoires
introduites dans la sexualité en Occident par deux
phénomènes modernes : la photographie et le féminisme.
Dans ce livre sensible et vibrant d’actualité, puissant
et brillamment dérangeant, sur un ton personnel, drôle
et pourtant informé, évoquant sans détours sa propre
expérience comme celle des hommes qui l’entourent,
Nancy Huston parvient à nous démontrer l’étrangeté
de notre propre société, qui nie tranquillement la différence
des sexes tout en l’exacerbant à travers les
industries de la beauté et de la pornographie.
« Ce livre est admirable, il fera date. »
Delphine Peras, Lire
AVANT-PROPOS
Belle comme une image
Des yeux masculins regardent un corps féminin :
immense paradigme de notre espèce.
Pendant les deux mille millénaires de la vie humaine
sur Terre, le lien chez les mâles entre regard
et désir a été une simple donnée de l’existence.
L’homme regarde, la femme est regardée. L’homme
appréhende le mystère du monde, la femme est ce
mystère. L’homme peint, sculpte et dessine le corps
fécond ; la femme est ce corps.
Certes, les femmes regardent les hommes aussi
et les hommes regardent les hommes et les femmes
regardent les femmes… Mais le regard de l’homme
sur le corps de la femme a ceci de spécifique qu’il
est involontaire, inné, programmé dans le “disque
dur” génétique du mâle humain pour favoriser la
reproduction de l’espèce, et donc difficilement
contrôlable. Ses répercussions sont incalculables,
et très largement sous-estimées.
Une fois que l’on est sensibilisé à ce thème on
le voit partout, pour la bonne raison qu’il est partout.
Il fait l’objet de mille proverbes, expressions,
commentaires populaires. “Elle m’a tapé dans l’oeil”,
disent les hommes français ; “A l’époque, dit-on
plaisamment en anglais, tu n’étais même pas une
lueur dans l’oeil de ton père”. On peut penser aux
yeux du loup dans les dessins animés de Tex Avery,
qui, en se posant sur une belle créature, s’exorbitent
et deviennent zizis…