Cela fait sept ans que Charles a laissé derrière lui la petite ville de C., parti se soumettre à d’autres combats, s’engageant sous les drapeaux comme on se range au coffre. Mais quand il apprend la maladie de Kérim, c’est sans tergiverser qu’il laisse en plan son désert, sa guerre, son poste aux transmissions, et vient prendre son tour de garde au chevet de l’ami qui régna sur son enfance et sa jeunesse.
De retour dans la bourgade assoupie, restée le territoire du charismatique et trouble Kérim, Charles, sous l’empire immédiatement réaffirmé de cette amitié cardinale, tente de tracer un chemin qui puisse être sien.
Sur les enjeux de l’engagement et les choix de l’âge d’homme dans un monde en guerre, dans une époque qui a confisqué le sens de l’histoire, de l’aventure et de l’héroïsme, «Seul, invaincu» est le chant déchirant d’une bataille intérieure patiemment délivrée du passé.
“Ça reste une énigme pour moi, l’amitié : voyez à quel point ce lien paraît actuel, dénué d’obligation, c’est terriblement flexible et ça n’impose rien, surtout pas, et puis voyez de quelle façon les codes militaires se fondent tout entiers sur la camaraderie (sans ça, c’est toute l’organisation militaire qui s’effondre), comment l’entreprise et la publicité l’utilisent, presque autant que le sentiment amoureux, pour parvenir à leurs fins… Voyez en quoi cela semble consister : ne jamais connaître personne, être seuls ensemble… On sait pourtant que c’est honorable aussi, l’amitié, à l’adolescence on ne voit plus que ça, les pauvres bien souvent n’ont plus que ça, on sent bien que, comme la vertu, elle a ses propres récompenses, c’est une relation des plus improbables, des plus fragiles quand on y pense, qui fonde néanmoins des partis, des expériences uniques, des complots, c’est le début de la politique… Il y a quelque chose de gratuit là-dedans, quelque chose d’un don de soi et aussi d’irréductible, malgré les frustrations qu’elle entraîne, Proust l’écrivait déjà, elle porte invariablement sur les nerfs, peut-être parce qu’elle ne se donne pas de but véritable, et puis elle cesse d’elle-même, brusquement, le plus souvent, sans raison précise, sans drame… Elle est plus sensible que l’amour au temps qui passe… Elle demeure tout de même, elle fait partie de nos plus beaux souvenirs, des plus durables… On avait réussi à se rendre, un peu, hors de soi…
Dans Seul, invaincu, deux amis d’enfance se retrouvent, après des années de séparation, parce que l’un d’eux est tombé gravement malade, mais tout marche de travers, alors même qu’ils ne peuvent se passer l’un de l’autre… Et le combat commence. Leur amitié est comme une bataille toujours recommencée, je crois que toutes les relations valables le sont, des batailles rangées avec leurs chocs, leurs armistices, leurs stratégies d’évitement, leurs célébrations… Leurs retraites également, et leurs défaites, encore qu’il n’est pas certain que l’amitié permette cela, la défaite, la victoire… Ou alors il y a un prix à payer, un prix important… Qui acceptera de céder, qui prendra le dessus ?”
L.M
janvier, 2015
11.50 x 21.70 cm
208 pages
ISBN : 978-2-330-03887-8
Prix indicatif : 18.00€
Où trouver ce livre ?
Ce livre existe également en version numérique
Le deuxième roman de Loïc Merle est une fable subtile sur le lien de fascination qui lie le narrateur soldat à son ami d'enfance devenu mystique du combat.
Le jeune romancier, né en 1978, sait envoûter le lecteur par un lyrisme assumé, la meilleure arme pour dépeindre la précarité du réel, traduire toutes les nuances de sentiments contradictoires.
Loïc Merle nous fait éprouver la force des liens, même mille fois tranchés, qui nous attachent à nos semblables. Un second roman fulgurant.
Loic Merle (…) écrivain tombé du ciel avec fracas, inventant une écriture des brumes, enveloppante et mystérieuse, avec des zones d'opacité volontaire et des trouées de lumière abyssales…
Apparaître, disparaître, se rencontrer, se séparer, tout n'est que mirage, chuchote Loïc Merle dans les ténèbres de ce livre plein de trous noirs qui absorbent les êtres.
Seul, invaincu est un grand roman sur les attaches qui nous lient à nos semblables, ces liens qui repoussent éternellement comme des plantes coriaces, même (ou surtout) lorsqu'on s'escrime à les couper, à les arracher, a cesser de les entretenir.
(…) Loic Merle, écrivain de l'ombre découpant le brouillard au couteau, pour montrer au grand jour la beauté cachée des gens qui se terrent
Un anti-roman d'apprentissage âpre et habité.
Seul, invaincu est une surprise. D’abord parce que ce second roman arrive très vite, ensuite parce que l’auteur a considérablement réduit son univers, gagnant du coup en précision, en intensité : Seul, invaincu est un roman de l’intime, tout en clair obscur, une âpre réflexion sur le passage à l’âge adulte et l’adieu aux idéaux
Seul, invaincu représente un nouveau tour de force romanesque, une tentative plus sombre et intérieure de porter le monde à son point d’incandescence, quand amitié et amour, bien et mal, crime et châtiment deviennent des forces impossibles à démêler.
Le surprenant Seul, invaincu (…) ferre le lecteur avec sa prose tenue et son questionnement.
Il se joue avec un grand talent du réalisme au fil d'un conte moderne qui lui permet de s'interroger sur la complexité de l'amitié et d'explorer ce qui broie les êtres et les âmes.
Dans une écriture somptueuse, Loïc Merle évoque l'amitié de deux combattants. [...] Le très puissant Seul, invaincu.[...] D'emblée, ses longues phrases magnifiquement rythmées mettent en écho les sentiments intimes et l'art de la guerre.
L'écriture est envoûtante, circulaire, pour décrire l'amitié qui ne s'efface ni avec le temps, ni avec les circonstances de la vie.
Loic Merle signe un anti-roman d'apprentissage qui hante longtemps.
L'anti-roman d'apprentissage qu'on attendait.
Plus qu'un roman d'apprentissage, Seul, invaincu est un conte puissamment symbolique.
Un seul ami peut changer votre vie, pourrait-on dire pour résumer ce second roman, aussi captivant que le précédent.
Dès les premières pages, l'écriture à la fois dense et ample de Loïc Merle attire le lecteur dans ses filets. Elle s'allonge dans d'infinies ramifications, serpente entre zones d'opacité et de transparence, épousant la pensée confuse et tourmentée de Charles.
Comme d'autres composent des romans d'amour, l'écrivain a tissé un roman d'amitié, beau et mystérieux .
Le style de l'auteur est volontiers singulier. C'est une prose somnambulique en phrases ourlées, à l'allure de marche forcée. (…) Ce roman relève d'un état d'esprit post-traumatique en même temps que d'un monde dont la clarté sinistre désespère. On dirait que l'auteur a des ennemis à débusquer à chaque page. Cependant, il n'en dit jamais trop, se refuse à toute illustration explicite des faits, incite enfin le lecteur à s'avancer.
Loïc Merle a réussi son récit, « ce qui est plus difficile à faire qu'une réflexion philosophique », comme le disait Jules Renard. Observation sur la servitude et la grandeur militaire, éloge de l'amitié fût-elle au premier abord entre des êtres incompatibles, discours feutré sur l'état du monde dans lequel on a de plus en plus de mal à se situer, ce roman à l'écriture savante ne cède jamais à la transcription élémentaire du réel. Il tranche ainsi sans volontarisme outrancier sur le tout venant d'un roman français trop souvent préoccupé par l'adultère et les histoires de bureau.