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La Baleine


Trajectoire insolite et burlesque d’une jeune grosse femme abandonnée, issue d’une lignée d’originales (euphémisme !) débridées, harcelées par les coups répétés d’un Destin impitoyable. Entre farce nietzschéenne et fable fantastique, entre réalisme magique et néoréalisme dur, un joyeux prétexte à croiser des figures picaresques de laissés pour compte qui semblent parfois sorties d’un film de Fellini. Chef de file d’une génération affranchie des vieux carcans, Ch’on Myonggwan, quarante ans et des poussières, héritier métisse de Garcia Marquez et de Faulkner, fait souffler un vent de folie et de liberté sur la littérature coréenne.

« La baleine », c’est Chunhui, une muette d’une corpulence extraordinaire, quasiment abandonnée par sa mère Kumbok, trop occupée à séduire et à gagner de l’argent. Il y a aussi une grand-mère, misérable, qui n’a pas de lien de famille avec elles, mais dont elles récupéreront la fortune cachée dans le faux plafond. Kumbok mène une vie d’aventures, qui l’amènera à construire une ville (qu’un incendie détruira) et à changer de sexe. Sa fille, la reine des briques, assez simplette, passera sa vie entre l’usine où elle fabriquera seule les meilleures briques du pays, et la prison où la conduira son incapacité à s’exprimer pour se disculper, tout en communiquant avec un éléphant. Tout est prétexte à un défilé de personnages picaresques et à des aventures burlesques. Scénariste à succès, Ch‘on Myonggwan appartient à la génération des écrivains quadragénaires qui n’a pas connu la Guerre de Corée, et qui n’a donc jamais connu non plus son pays unifié. Il est naturel qu’il se tourne vers des thèmes qui, contrairement à ceux de ses aînés, s’éloignent de l’histoire et de ses drames, s’affranchissant ainsi des figures imposées et d’une certaine tendance tragico-sentimentaliste, s’autorisant à prendre la réalité de façon bien plus libre et lançant de multiples passerelles avec les pratiques culturelles de leur jeune lectorat, à commencer par le cinéma et la télévision. Mais ils le font en véritables écrivains, sans abdiquer les moyens spécifiques de la littérature. Celui que Ch’on privilégie est l’outrance, en particulier par l’humour. Le récit fantastique (qu’importe que les personnages soient vivants ou morts) saute d’un personnage à l’autre au gré de la plume sarcastique et comique de l’auteur, qui mêle avec un plaisir évident tous les genres littéraires ? roman réaliste, puis fantastique, puis picaresque, scénario, conte pour enfant, légendes, récit érotique. On a beaucoup évoqué Gabriel Garcia Marquez au sujet de Ch’on Myonggwan, ce qu’il faut prendre comme une information sur la façon de lire coréenne. Cette comparaison est fondée, toutes proportions gardées : par son écriture et par le foisonnement des situations, mais aussi par la complexité du récit. En fait, c’est aussi à Faulkner qu’il fait penser, si l’on ajoute la façon dont ses personnages sont ancrés dans une terre difficile qui les définit et leur impose ses difficultés. On peut aussi penser au caractère énhaurme de la comédie italienne.

novembre, 2008
11.50 x 21.70 cm
496 pages

Patrick MAURUS
Jung-Hee YANG

ISBN : 978-2-7427-8070-9
Prix indicatif : 24.40€



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