Au coeur d’un maquis méditerranéen surgit un homme fourbu et sale. Soldat inconnu échappé d’une guerre indéterminée, il semble fuir sa propre violence dans le hors-champ des batailles. Une rencontre le force à
recalculer sa trajectoire et sa notion du prix d’une vie.
Aux alentours de Berlin, à bord d’un petit paquebot de croisière, le 11 septembre 2001, un colloque rend
hommage à Paul Heudeber, génial mathématicien est allemand, rescapé de Buchenwald, antifasciste resté loyal à son côté du Mur de Berlin, malgré l’effondrement de l’utopie communiste.
De la tension entre ces deux récits s’élève, comme par une sorte de magie – poétique, spatiale, mathématique
–, tout ce qui se joue, en amour comme en politique, entre l’engagement et la trahison, entre la fidélité
et la lucidité, entre l’espoir et la survie.
Mathias Enard déploie ici une économie du silence et de la vibration qui produit une densité romanesque
inversement proportionnelle à sa dépense en mots. Puisque la guerre est l’Histoire en marche, hier comme
aujourd’hui, "Déserter" nous arme des images et des conjectures pour en déchiffrer les équations aléatoires.
« J’avais entrepris l’écriture de la biographie fictive du mathématicien est-allemand Paul Heudeber depuis quelque temps lorsque la guerre en Ukraine a envahi mes carnets. Le 24 février 2022, le conflit a frappé de plein fouet mes projets. Le roman que j’envisageais ne pouvait plus être le même. La résurrection du discours – nazis, dénazifier – faisait remonter les années 1940 jusqu’à nous. La Russie assumait son impérialisme. Elle brandissait sa violence comme une fierté. Les couleurs des années 1990 (hiver, sang, feu) teintaient de nouveau l’Europe. Les chars soviétiques T72, ces boîtes plates et vertes que nous avions vues dans les champs de maïs abandonnés de Pannonie tirer sur Vukovar, roulaient vers Odessa, et leurs équipages, ces soldats russes de moins de vingt ans, brûlaient vifs trois par trois, prisonniers de leur blindage, lorsqu’un missile Javelin ouvrait leur tank comme on arrache la tête d’un oisillon avec les dents. À travers les arbres, on voyait de nouveau les animaux – les cochons, les chiens – errer jusque sur nos écrans, souvent horriblement mutilés, avant d’être achevés d’un coup de baïonnette. Odessa, l’Alexandrie de la mer Noire, allait subir le sort de Sarajevo.
J’ai compris plus ou moins à ce moment-là, alors que mes angoisses et mes cauchemars devenaient de plus en plus pressants, qu’il fallait que je m’enfonce de nouveau dans mon traumatisme de guerre, mes obsessions ; j’ai imaginé un personnage au creux d’une montagne, au bord de la Méditerranée. Il a un fusil à la main, il vient de quitter la guerre, mais il ne suffit pas de la quitter, il faut s’en défaire. Il va errer dans les territoires de son enfance avant de partir vers le nord pour passer la frontière et quitter le pays.
L’histoire de Paul Heudeber, sa fidélité à l’amour et au socialisme, malgré la déportation et la guerre froide, se prolongeait dans celle du déserteur, elle s’y reflétait, et le soldat perdu envoyait ses vibrations désespérées vers Paul Heudeber et sa fille Irina. Tout se projetait, se reflétait dans les lacs autour de Berlin et dans la recherche de l’espérance. »
Mathias Enard
août, 2023
11.50 x 21.70 cm
256 pages
ISBN : 978-2-330-18161-1
Prix indicatif : 21.80€
Où trouver ce livre ?
Ce livre existe également en version numérique
- Participation de Mathias Enard à la série "Grands témoins" de la Philharmonie de Paris.
Dans la lignée de Zone, paru en 2008, Mathias Enard mêle à une méditation sur la violence aveugle et le cycle perpétuel de la guerre, un sens aigu de la beauté du monde.
Qu’est-ce que déserter ? En principe, c’est fuir son propre camp. Ce peut-être aussi, par une fidélité immuable à un monde révolu, devenir un étranger au temps présent.
Son œuvre porte la trace de ses longs séjours au Moyen-Orient et l'empreinte des villes européennes où il a vécu.
Il faut toute la virtuosité de Mathias Enard pour conjuguer une érudition impressionnante – mais jamais gratuite – et une sensibilité qui remue les tripes. Ce livre où l’on embarque à cœur perdu montre de nouveau qu’il figure parmi les grands écrivains français de ce jeune millénaire.
Mathias Enard signe Déserter, qui l’impose comme un grand romancier de la condition humaine. Cette fois encore, il parvient à conjuguer une érudition exaltante et une écriture qui vient du ventre.
Formidable Mathias Enard ! Un des évènements de cet automne. Un roman très important.
Un livre profond, remarquablement écrit, sur l’engagement et la trahison, la guerre et la paix.
Voir dans les mathématiques l’espoir du monde, j’ai trouvé ça très beau.
Un très grand styliste et un très grand prosateur.
Du grand Art !
C’est le théorème d’Euclide : deux récits parallèles qui se rejoignent à l’infini, et cet infini c’est la paix.
C’est un très très grand écrivain, parmi les nobélisables français.
Déserter forme un tout ; le style agit comme un aimant, une force magnétique. Le récit se déroule avec une apparente légèreté, de manière fluide. Mathias Enard n’est pas seulement un ogre rabelaisien, il est aussi un magicien. II montre que tout est lié, dans un même tissu historique, sans simplifier les choses ni céder à la caricature. Le roman permet cela, c’est une formidable machine à donner du sens, ou des sens possibles, sans les imposer.
Les textes de Mathias Enard sont de redoutables et retorses mécaniques de pointe, à l’image de cette fameuse Boussole ; de précieux instruments qui indiquent des perspectives et des points de fuite possibles, des chemins pour penser l’Histoire.
L’écrivain signe un impressionnant roman où se mêlent horreur de la guerre et mathématiques.
À son habitude, il conjugue le style et le savoir, une écriture virtuose et l’amour de l’archive
Un superbe double récit travaillé par la question de l’éternel retour de la guerre et de la violence.
Les deux récits parallèles qui composent Déserter se répondent secrètement par une vibration ténue […]. De ce double mouvement s’élève un chant singulier où s’entrelacent la poésie des mathématiques, l’impossibilité à sortir de la violence, l’éternel obscurité à soi et la fragilité de l’Histoire et de ses traces.
L’extraordinaire talent de Mathias Enard.
Avec Déserter, l’auteur de Boussole (Prix Goncourt 2015) réussit un roman d’une ambition folle : dans ces pages magnifiques, dans ces tensions entre les personnages, entre des évènements en apparence éloignés, naît une forme d’étonnante globalité.
Dans ce livre assez court qui pose plus de questions qu’il n’assène de réponses, l’écriture de Mathias Enard se fait somptueuse et presque poétique. Peut-être parce que, quand la raison ne suffit plus, la littérature, la poésie, est le moyen qui reste pour appréhender ce qui nous arrive.
Son nouvel ouvrage est éclatant.
On ne sait jamais où va nous mener un nouveau roman de Mathias Énard. Comme un djinn bienveillant, l’écrivain nous fait, chaque fois, découvrir mille et une histoires : il suffit d’entrer dans ses livres comme si l’on frottait une lampe magique pour voyager dans des mondes et des siècles différents.
Mathias Enard suit son sillon, explore ses passions et ses hantises sans se soucier des modes. Le lire n’est pas un plaisir béat, c’est une expérience
Déserter est formé par un arc qui va de la violence à la science. De la désertion à l’engagement.
Enard a-t-il eu raison de choisir cette construction ? Ce parti pris lui permet de déployer toutes les ressources de son art et de souffler au lecteur que l’homme aime détruire ce qu’il a créé comme pour retrouver l’ivresse de l’état de violence. Peut-être même qu’en chacun de nous cohabitent le soldat et le savant. C’est l’une des leçons de ce roman riche, complexe et hypnotisant
Un déserteur, la fille d’un rescapé de Buchenwald face au 11 septembre … Dans Déserter, Mathias Enard entrecroise les destins et observe l’humanité aux prises avec la violence de l’Histoire.
L’Histoire n’a pas fini de rattraper l’humanité. Enard n’a pas renoncé à raconter sa barbarie.
Enard entrecroise magistralement idéaux et tragédies du siècle passé avec les violences du présent.
Aller au-delà de tous les mensonges, découvrir les trahisons. Qu’est-ce que ce dur désir de durer dans les tempêtes d’un monde où les utopies meurent ? Ce défrichage d’une ambition démesurée trouve parfaitement sa mesure romanesque, dit toute la furie des hommes, la puissance de l’amour et la beauté de la nature.
- [Podcast] France Inter, La librairie francophone, Emmanuel Kherad
- [Article] En attendant Nadeau, Sébastien Omont
- [Interview] RTS Culture, Nicolas Julliard
- [Podcast] France Culture, Le Book Club, Marie Richeux
- [Chronique] France Inter, Le Masque et la Plume, Jérôme Garcin
- [Chronique] RTL, Les livres ont la parole, Bernard Lehut