Lyonel Trouillot raconte l’histoire d’un paysage de pierres, de rivières et d’ombrages, celle d’une colline abîmée par la violence et la cupidité des hommes. Un notaire sans scrupule y jette un jour son dévolu, la divise en parcelles pour la livrer à une cohorte de prédateurs, criminels, affabulateurs ou tortionnaires. Mais depuis toujours en ce lieu règne la Veilleuse du Calvaire, celle qu’on a prise pour une madone, un fantôme, un esprit et qui n’est rien de cela. “Je suis, dit-elle, ton devoir de mémoire qui a choisi un corps de femme pour qu’il n’y ait dans le récit ni mensonge ni omission. Au passé comme au présent, nos corps portent les marques de toutes les offenses et de tous les dénis. Comme ils sont le chemin de toutes les promesses.”
Dans l’oeuvre de Lyonel Trouillot, le courage des femmes est un personnage en soi. Le geste de cet écrivain est toujours politique, mais ses appels sont des poèmes, des romans, et parmi eux ce livre-cri, ce livre-chant, celui de celles qui, sur l’île d’Haïti comme dans le monde entier, sont en lutte face à la folie des mâles, le mépris, l’irrespect et la haine dont elles sont les cibles et les victimes.
« Choisir une voix de femme. Ou des voix de femmes. Ou une voix Des femmes. Comme une sorte d’instance inscrite dans la permanence ou le tracé d’une histoire de souffrances et de résistance, de domination et de libération. Conscience donc d’un devoir de veille qui, dans son expression, tient à la fois du récit et de la harangue, du rappel de ce qui s’est passé, se passe, se passera dans tel lieu (ici, le lieu-dit du Calvaire) et de ce que moi, femme, toi, femme nous en disons, et de ce que nous pouvons en faire. Que faisons-nous de ce qu’on a fait de nous ou de ce qu’on a voulu nous faire ou faire de nous ? Veilleuse donc, comme gardienne de la mémoire, mais d’une mémoire "qui va de l’avant".
Confronter aussi deux manières de raconter. La reconstitution par qui rapporte des événements qu’il n’a pas lui-même vécus. La parole de qui a vu, vécu, senti, souffert. Creuser l’écart entre ces deux lieux, sans oublier qu’ils tendent des pièges au lecteur ainsi embarqué et amené à oublier que la construction romanesque est toujours un jeu qui ne se révèle qu’au fil de la lecture.
Rendre aussi hommage au réalisme merveilleux, dialoguer avec cette tradition dans ce qu’elle conserve de vivant en intégrant la perception de la réalité comme élément du réel et en donnant au texte une valeur quasi transformatrice.
Une colline. Comme un microcosme. Son passage de l’état de nature à l’état social. Illustrer la puissance destructrice de telles façons d’habiter et d’imposer les rapports humains. Suivre sur une longue période la conjonction de la domination du puissant et du mâle et la résistance portée par une voix ou un concert de voix féminines. Violence du pouvoir politique, des procédures d’accumulation, des agents et des actes de répression sur les corps, le rêve et, en contre, la solidarité, la gratuité, le métier utile, la liberté de sentir, d’aimer et l’élan poétique, un langage comme un chemin "de mon cœur à d’autres cœurs, de mes montagnes à d’autres montagnes". »
Lyonel Trouillot
août, 2023
11.50 x 21.70 cm
176 pages
ISBN : 978-2-330-18226-7
Prix indicatif : 19.90€
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Avec Lyonel Trouillot, le lecteur a l’habitude de sortir de sa zone de confort. Dans Veilleuse du Calvaire, le poète, journaliste, professeur de littérature et romancier haïtien l’invite un peu plus encore à lâcher prise et à oublier les schémas romanesques classiques. [...] Il poursuit avec ce texte concis mais si riche, sa cartographie imaginaire de Port-au-Prince et d’Haïti, puisée au plus près de son histoire et du réel.
Magistral petit roman.
Dans l’oeuvre de Trouillot, le courage des femmes est un personnage en soi. Le geste de cet écrivain est toujours politique, mais ses appels sont des poèmes, des romans, et parmi eux ce livre-cri, ce livre-chant, celui de celles qui, sur l’île d’Haïti comme dans le monde entier, sont en lutte face à la folie des mâles, le mépris, l’irrespect et la haine dont elles sont les cibles et les victimes.
Lecture précieuse à privilégier en cette rentrée littéraire.
Chez l’auteur haïtien, chaque vie est digne d’importance, chaque être palpite ne serait-ce qu’une seconde. Veilleuse du Calvaire célèbre la beauté d’une terre et le courage des femmes en lutte face à la folie des mâles. Dans ce livre-chant, Lyonel Trouillot polit le sillon qu’il explore depuis vingt ans, celui d’une littérature puisée dans le réel, un réel infernal qu’il faut enchanter par la poésie.
Lyonel Trouillot se définit modestement en tant que citoyen engagé à décrire ce qu'il voit et entend.
Veilleuse du Calvaire explore le quartier de Bel Air à Port-au-Prince en tant que microcosme de la société haïtienne, décrivant son passé vibrant et sa dégradation actuelle marquée par la prédation et l'exploitation.
Cette colline raconte Haïti et Haïti raconte une grande partie du monde. On ne saurait mieux atteindre à l'universel, qui est pourtant dénié à ceux qui ont leur peuple dans la voix
Lyonel Trouillot ne pouvait dérouler son histoire, pleine de bruit et de fureur, sur un tapis tranquille. II a traduit la violence du lieu en une structure romanesque chaotique, un récit secouant l'ordre chronologique, en paroles proférées plus qu'organisées. Celles de la Veilleuse.
Une ode vibrante à l’esprit libérateur féminin.
La Veilleuse, pour dire cette lente dégradation inéluctable, fait se succéder le chant, épique, métaphorique, mêlant les accumulations aux hyberboles, et une parole plus contenue et dense, aphoristique, propre à dire la fatalité de ces existences mutilées mais qui parviennent parfois à se révolter.
La pauvreté et la violence dominent. Pourtant, l’écrivain réussit à nous parler aussi d’amour et de rêves dans une langue pleine de poésie.
Avec la Veilleuse du Calvaire, sorte de figure féminine éternelle, « indescriptible nécessité du cri », le roman de Lyonel Trouillot parle du mal fait aux femmes.
Son art de « faire des histoires une histoire » est ici une fois encore à l'œuvre.