Très tôt on m’expliqua que j’étais «née dans une grande maison en Suisse». Qu’il y avait des enfants qui naissaient dans les ventres et d’autres «dans les grandes maisons». Je tirai de cette vérité originelle me concernant une sorte d’orgueil tout aristocratique. Les grandes maisons c’était quand même beaucoup mieux que les gros ventres sales et mous en lesquels certains bébés avaient la malchance de croître. Et puis la Suisse restait un territoire idéal, pas vraiment terrestre, recouvert d’une neige tiède comme du lait. Une sorte de lieu intermédiaire, situé au seuil de la vie, où la nuit n’était qu’une fente ouverte sur le jour au sein duquel, un matin, la peur nous expulsait.
mars, 2013
10.00 x 19.00 cm
320 pages
ISBN : 978-2-330-01785-9
Prix indicatif : 21.00€
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Shâb ou la nuit est un livre qui remue, c'est un livre livre qui fait réfléchir et qui fait pleurer. Noblesse et beauté de la mise à nu. Une magnifique quête des origines.
Elle a un ton très juste marqué par une très belle humanité. Sa belle littérature, cette quête d'origine des mots et de soi-même, est prenante… Elle nous offre un roman vrai des plus aboutis.
En les domptant (les mots) pour accoucher de cette autobiographie, où des sentiments complexes s'énoncent avec limpidité et où la sobriété laisse le champ libre à l'émotion, elle leur a rendu un hommage magistral.
Elle s'interroge, et ce questionnement incessant est la forme la plus propre du combat. Le lecteur tient entre les mains le dernier acte de ce combat. Car il est bien là, ce face-à-face qui signe l'échec du silence. Il sappelle Shâb ou la nuit. Ladjali n'écrit pas pour embellir la vie, mais pour la dire.
Elle nous livre un roman riche de sens et d'émotion, qui s'attache à tout ce qui dans la forêt obscure de la vie peut être élucidé, mis en ordre, entendu comme le leitmotiv d'une ample partition chorale à recomposer. Avant d'écrire sa vie, Cécile Ladjali a songé à la lire.
Alors, oui, de ce cheminement de l'obscurité vers la lumière, de cette épopée autobiographique où la douleur et la colère, mais aussi l'amour et la reconnaissance se cueillent à fleur de page, Cécile Ladjali a bien fait un roman. Et des plus bouleversants.
La littérature, devenue pierre angulaire de son parcours, éclaire en retour les interrogations qui, avec le temps, se font cruciales : la quête des origines, d'une vérité, et du langage à travers l'œuvre à faire pour enfin pouvoir dire le monde et se dire.
Entre l'éducation, les livres, les mots, le corps, la personnalité, les absences et le présent: le roman de l'identité.