Sous-titre
Anthropologie de la création des modernes
L’enquête consacrée à “ce que l’art dit du temps et ce que le temps fait de l’art” ancre la ré?exion dans une analyse du concept d’époque en partant de la situation présente et en s’appuyant sur la notion d’ambition. L’essai reconstitue, sur un mode narratif, une histoire ré?exive de la création artistique depuis la Renaissance et suggère avec force que l’œuvre est d’abord ?guration du temps.
De fait, à mesure que les grands ordonnateurs faiseurs d’éternité (Dieu, la Nature, la Beauté, l’Idéal) s’éclipsaient, laissant l’acte créa-teur orphelin de sa raison d’être, une éclosion “explosive” du présent se produisait, aussi séduisante que déstabilisatrice. En se détournant ainsi des transcendantaux qui longtemps l’inspirèrent, l’art grisé par sa propre liberté se condamnerait-il à buter sur le constat qu’il n’est plus rien qu’une activité gratuite coulée dans le temps, vulnérable et incertaine, dont le sens et la portée font question ?
Moderne, hypermoderne, postmoderne, ce que l’acte de créer rapporte du temps, c’est une énergie inquiète, une expérience sin-gulière qui ne conquiert son originalité qu’en débat avec sa “condi-tion épochale”. En critiquant son héritage, la négativité nourrit une ambition créatrice que, parfois, le nihilisme menace. Et si chaque mort annoncée de l’art le conduisait pourtant à se réinventer une enfance ?
Dans le sillage des deux “chercheurs d’art” Walter Benjamin et André Malraux, à qui le livre est dédié, cette anthropologie de la création des Modernes invite à une nouvelle lecture de l’histoire des modernités en révélant les étapes d’un dévoilement du lien a?ectif et ré?exif entre le sentiment intime du temps et le geste d’autonomie de l’art.
octobre, 2018
13.00 x 24.00 cm
432 pages
ISBN : 978-2-330-11165-6
Prix indicatif : 27.00€
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Imaginez une fresque immense, retraçant l’histoire de l’art depuis cinq siècles. Écoutez la voix patinée du guide, aussi érudit qu’humaniste, aussi profond que pointu, vous faire entrer dans son intelligence, vous en faire pénétrer le sens. Non comme l’historien de l’art iconologue, détaillant chaque recoin de l’image, exhumant ses incongruités – mais comme l’herméneute, élisant quelque détail esthétique pour faire valoir l’époque, ie la forme singulière du temps. L’esprit guidant l’œil dans ce qu’il a à voir.
Cette vision dynamique de l’art en son histoire, résolument non essentialiste, dessine la position positive de l’auteur (…/…) L’auteur construit…une pensée de la perte positive. Aussi le philosophe peut-il affirmer : L’art est ce qui reste, non seulement quand on a oublié les dieux et les temples, mais quand on oublie l’art lui-même
Michel Guérin renouvelle la réflexion sur ces différents thèmes [la création, la beauté, l’ambition, la prose, la postmodernité etc.], notamment en les accouplant de façon peu ou prou inattendue et, de ce fait, intellectuellement féconde : par exemple, l’insolite et la désinvolture (p. 243 sq), l’ambition et la mélancolie (p. 275), etc. Encore ne sont-ce là que des ponctions dans un discours d’une densité remarquable dont il faut également souligner la grande qualité d’écriture.
Or, ce qu’on dit ici de la pensée philosophique n’est que le simple écho de ce que Michel Guérin écrit de l’art. À l’art aussi il incombe « d’épouser violemment son temps », mais certainement pas pour en proposer une redondance molle. Au contraire, « c’est seulement en se heurtant aux limites de l’époque, à l’impossible secret qui lui ouvre aussi l’accès aux autres possibles que l’art en son maintenant (…) prend de la hauteur sur le présent ». S’il y a une pensée de l’art, au sens d’une pensée dans l’art, elle oblige donc la pensée philosophique, si elle veut penser l’art à son tour, à ressentir cette intensité de présent tout en sachant se tenir à la bonne hauteur. Sans aucune marque de labeur pénible, sans aucune esquive timide, Le Temps de l’art soutient de bout en bout ce défi
D’une part, la problématique d’ensemble prend d’emblée son point d’appui dans notre temps, à tort ou à raison caractérisé comme « postmoderne ». D’autre part, deux « instruments de pensée » (l’auteur a l’habitude de les appeler des Figures) permettent de nouer les thèmes entre eux de façon cohérente et dynamique. En l’espèce, il s’agit de l’époque et de l’ambition. En partant de l’examen critique de la situation de l’art aujourd’hui, on opère un discernement entre d’une part les éléments qui demeurent en place depuis le début des Temps modernes, les invariants en somme, et ceux qui varient avec le temps.
Touffu, bouillonnant de références à l’histoire de l’art, à la philosophie, à la littérature, l’ambitieux essai de Michel Guérin, par ailleurs auteur de La Philosophie du geste et de Nihilisme et modernité, emporte son patient lecteur dans un maelström conceptuel qui nous montre combien la destinée de l’art au travers des siècles et des civilisations est le reflet de notre condition humaine. S’interroger sur l’art, c’est s’interroger sur soi et sa place dans l’univers, comme le suggère habilement la photographie de couverture, d'Alexei Kondalov.