«Illettré» raconte l’histoire de Léo, vingt ans, discret jeune homme de la cité Gagarine, porte de Saint-Ouen, qui chaque matin pointe à l’usine et s’installe devant sa presse ou son massicot. Dans le vacarme de l’atelier d’imprimerie, toute la journée défi lent des lettres que Léo identifi e vaguement à leur forme. Élevé par une grand-mère analphabète, qui a inconsciemment maintenu au-dessus de lui la chape de plomb de l’ignorance, il a quitté le collège à treize ans, régressé et vite oublié les rudiments appris à l’école. Puis les choses écrites lui sont devenues peu à peu de menaçantes énigmes. Désormais, sa vie d’adulte est entravée par cette tare invisible qui grippe tant ses sentiments que ses actes et l’oblige à tromper les apparences, notamment face à sa jolie voisine, Sibylle, l’infi rmière venue le soigner après un accident. Réapprendre à lire ? Renouer avec les mots ? En lui et autour de lui la bonne volonté est sensible, mais la tâche est ardue et l’incapacité de Léo renvoie vite chacun à la réalité de ses manques : le ciel semble se refermer lentement devant celui que les signes fuient et que l’humanité des autres ignore.
Centré sur le combat de Léo contre son illettrisme, le nouveau roman de Cécile Ladjali est un livre d’énergie et de con vic tion qui ouvre une voie imprévue et poétique sur ce handicap invisible, poursuivant une réfl exion qui lui est chère autour des mots, de l’école, de la dignité et de l’estime de soi, impossibles sans le langage.
“Que ce soit aux étudiants de la Sorbonne Nouvelle, aux lycéens de Seine-Saint-Denis, ou aux enfants malentendants du Cours Morvan, je dis toujours à mes classes que le bonheur, l’estime de soi, l’empathie sont des principes que seul le langage permet. J’ajoute que les livres étudiés sont l’examen de la vie. Un surcroît d’existence, dont chaque lecteur devient l’actionnaire secret. Car la langue est notre chair. Notre ontologie. En tant que professeur de lettres, j’ai constaté l’incroyable épanouissement des consciences capables de formuler et ainsi de se dire tout en disant le monde. À l’inverse, j’ai senti la détresse de celui qui ne parvenait pas à le faire. Illettré m’a permis de traduire romanesquement ce que j’avais toujours cherché à signifier dans des essais comme Mauvaise langue, Éloge de la transmission ou encore Ma bibliothèque. Or la fiction prend le coeur pour cible et cette fois c’est lui que je visais. Je voulais dire l’essentiel avec les mots 24 de Léo, à savoir qu’il n’y a pas de salut possible en dehors du langage maîtrisé. Acculé par son illettrisme, honteux, mon héros s’enferme dans une thébaïde de solitude, tandis que ceux qui lui ont à un moment concédé un regard, l’abandonnent tour à tour. Léo est le fruit gâté d’une époque qui, en dépit de ses beaux discours et de son humanisme de pacotille, ne prévoit pas grand-chose pour les êtres comme lui. Le réalisme âpre de la fiction, le regard perdu du personnage, entendent montrer cette déréliction que j’ai souvent croisée dans mes classes et eu tant de mal à contrer par un retour heureux au texte. L’illettrisme est un mal invisible mais prégnant dans nos sociétés. Le parcours en pointillés de Léo, sa brève incursion dans l’existence cherchent à dire la tragédie des laissés- pour-compte, parce que pauvres en mots, en amour, en avenir.”
C. L.
janvier, 2016
11.50 x 21.70 cm
224 pages
ISBN : 978-2-330-05791-6
Prix indicatif : 19.00€
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Il est des romans si riches qu'on ne sait par quel bout les aborder. Illettré de Cécile Ladjali est de cette trempe là. (...) Elle signe un grand roman politique dans le sens noble du terme.
Beau texte poétique et mélancolique.
Un livre qui fait réflechir et qui émeut à la fois.
Faire ressentir aussi profondément la douleur de cette vie hors du signe sans lourdeur ni la sécheresse est un vrai défi, que Cécile Ladjali relève en touchant au mythe.
L'écriture magnifique de Cécile Ladjali sert admirablement cette quête désespérée de l'écriture, cette déréliction à l'égard de ceux qui sont atteints de ce mal insidieux qui tue dans notre société.
L'illettrisme est un calvaire. En en faisant le sujet de son nouveau roman, Cécile Ladjali (…) a réussi un joli exploit : écrire un livre qui ressort de la littérature et des sciences sociales. C'était courageux et risqué de prendre Léo comme héros infortuné d'un roman ; c'était une belle idée d'écrivain puisque l'œuvre est puissamment romanesque. D'une cruauté parfois éprouvante. (...) Illettré est un angoissant roman d'amour.
Le nouveau roman de Cécile Ladjali a pour héros un illettré, qui souffre d'un handicap auxquel sont consacrés des articles, des documentaires, mais pas de romans. L'auteur crée un héros au sens plein, avec pour bagages ce corps et cette beauté qui ne passent jamais inaperçus, des projets, des initiatives courageuses et de funestes renoncements.
De cela naît une dramaturgie qui tient et surprend le lecteur : bien malin qui peut prédire le dernier mot de cette histoire.
On adore. (...) Chacune des phrases de Cécile Ladjali ruisselle de son amour charnel pour les mots.
Voici une fiction aussi saisissante que tragique et poétique, dont la force est de ne jamais céder au misérabilisme, à la pitié, à la facilité. (...) II faut lire Illettré.
Ce texte âpre et virtuose dit la douleur d'être exterieur aux mots, à la marge du monde. C'est aussi le superbe roman d'un amour impossible.