Elle s’appelait Pazith. Yaël Neeman l’a à peine aperçue, une fois, entre deux portes, vers la fin de sa vie. Personnage secondaire de sa propre existence, attachée à organiser sa disparition, elle a pourtant marqué tous ceux qui l’ont rencontrée. Après sa mort, Yaël Neeman part à sa recherche obstinée, reconstituant sous nos yeux le puzzle documentaire d’un être humain. Se joue alors un étrange suspense, mâtiné de responsabilité. Comme si, à l’instar de l’auteure qui nous “confie” Pazith en nous la racontant, nous ne pouvions, à notre tour, littéralement plus la lâcher. Ou comme si elle ne nous lâchait plus.
Cette “biographie de personne par tout le monde”, chorale et collective, cristallise la fragilité mais aussi le caractère modestement sacré de toute vie humaine. Et se dessinent sous nos yeux, comme en reflet, un pays qui s’invente sur des bases chancelantes, une génération amputée de son histoire, toute une société israélienne enfantée dans la tragédie, sur laquelle flottent encore et pour longtemps l’oubli actif et coupant du passé familial mais aussi le souvenir flou et pourtant ineffaçable de Pazith.
À la fin, un grand doute, ce puzzle composé de très nombreuses pièces colorées, vivantes, autour d’un manque béant : Pazith elle-même. Et une certitude : il n’existe pas de vie “ordinaire”, tout passage sur terre recèle une énigme universelle.
septembre, 2021
11.50 x 21.70 cm
304 pages
ISBN : 978-2-330-15436-3
Prix indicatif : 23.50€
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Est-ce le plus beau personnage de cette rentrée littéraire ?
Superbe récit, magnifiquement mené, Elle était une fois déroule une existence fascinante. Et confronte l’écrivain aux angoisses de l’écriture.
Nous sommes nombreux à abriter en nous quelques plans fixes ou animés qui nous hantent sans que nous sachions pourquoi. Les peintres en font des séries, les dormeurs des rêves ou des cauchemars. Yaël Neeman en a fait un livre.
Ce récit très contemporain dans son attention aux êtres anonymes est d’une sobriété bouleversante, il atteint la simplicité du poète Avrom Sutzkever (1913-2010) cher à Pazith: «Qui restera, qu’est-ce qui restera/ Peut-être le vent sur la mer. » Et les livres.
Lumineux.
Comme la plupart des grands livres, cette vraie-fausse biographie est un hommage à la littérature qui préserve de (presque) tout. Yaël Neeman l’a compris ; elle l’a écrit.
On ne connaît de l’autrice que le « je » grâce auquel on approche Pazith. Construite comme l’enchevêtrement de témoignages qui se font écho, l’œuvre de Neeman n’est ni fiction ni archive. Elle est comme la Dora Bruder de Patrick Modiano. Historique, complexe et ordinaire.
Yaël Neeman a construit un livre bouleversant.
Pour parler de Yaël Neeman, j’ai voulu inclure dans ce texte, qui dépasse le cadre d’une recension, son précédent ouvrage traduit en 2015. Ce que je voudrais faire apparaître ici, c’est la forme à mon avis originale d’une quête identitaire qui prend en compte l’Histoire comme un magister vitae, et qui se tient au bord de l’auto-fiction comme sur le pas d’une porte, attentive à ce que la substance du moi a d’inconsistant, c’est-à-dire en quoi elle est une question plus qu’une réponse, et de quelle façon elle ne signifie quelque chose qu’en fonction d’un échange avec autrui, d’une variation infime d’un élément (comme une lettre change le sens d’un mot).
Elle était une fois n'est pas une fiction, même si sa lecture peut le laisser souvent croire tant son « héroïne » est romanesque, mais le fruit d’une enquête post-mortem menée avec une méticuleuse patience par l’écrivaine israélienne.