“Je ne suis rien. Je n’ai pas été violée, je n’ai pas été abusée, je n’ai pas eu faim. Vous pensez qu’il faut avoir été violée pour porter le viol, abusée pour ressentir l’abus, avoir eu faim pour être assourdie par le cri des ventres creux ?”
C’est la fin d’une traque. Dolorès Leal Mayor vient d’être appréhendée. Elle est accusée d’avoir assassiné une dizaine d’hommes après les avoir séduits. D’avoir ouvert partout dans le pays une brèche, déclenché une vague de fureur chez les femmes, victimes du capitalisme et de son patriarcat.
Pour tenter de juguler l’épidémie de meurtres, Antoine Petit, jeune psychiatre rongé par une désespérance sourde et aux prises avec l’addiction, est sommé de déclarer Dolorès irresponsable de ses actes. On veut éviter le procès qui entérinerait son statut d’icône. Au fil des entretiens qu’il mène dans un centre pénitentiaire niché au cœur des Alpes, Antoine se confronte alors à Dolorès. Et entre ces deux êtres en déshérence, abîmés chacun à sa manière, se met en place un jeu de dupes aux étranges échos, tissé de colère, d’accablement, de certitudes et de doutes. Jusqu’à la vérité.
Fable contemporaine sur la violence induite par le poids de l’oppression, “Dolorès ou le Ventre des chiens” est un roman noir, amer, une ode à l’embrasement, à l’incandescence des révoltes.
janvier, 2024
11.50 x 21.70 cm
192 pages
ISBN : 978-2-330-18614-2
Prix indicatif : 19.90€
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Bâtissant progressivement sa mécanique du malaise, le roman, ultra-désenchanté, alterne les points de vue à la première personne. “Logée dans un nuage d’orage”, Dolorès ne veut pas s’en laisser conter quand son interlocuteur n’est pas dupe : ni de ce qu’on attend de lui, ni de la construction du discours de la prisonnière. En faisant de Dolorès une anti-héroïne écorchée plus instinctive que réfléchie, l’auteur dépolitise sa violence.
Difficile ne pas se laisser happer par ce roman en rouge et noir aux personnages presque banals, cette histoire cruelle et inquiétante qui flirte parfois dangereusement avec la réalité.
La tonalité du roman est étonnante, rageuse !
Dolorès et Antoine s'expriment chacun à leur tour à la première personne, et leurs visions se heurtent et se complètent. Ils parlent violence, révolte, mal de vivre. L'époque y est décortiquée et jugée. C'est écrit dense, serré. On pense parfois au jeu du chat et de la souris qui opposait Lino Ventura et Michel Serrault dans Garde à vue. Comme dans le film de Claude Miller, la vérité va se faire jour, et son explosion ne laissera intact aucun des deux.
Fable noire contemporaine de lutte contre le patriarcat et le machisme, Dolores et le ventre des chiens atteint parfaitement son objectif. C’est glaçant, éprouvant et une fois de plus la puissance de l’écriture de Civico emporte tout. Un roman fort !
Au-delà des descriptions de la vie carcérale, de l’indifférence de Dolorès et de l’apparente médiocrité du psy, l’auteur décrit une société qui s’embrase. Il garde une écriture sèche pour suggérer l’étouffement de ces deux personnages qui n’auraient jamais dû se rencontrer, parle d’une « tristesse d’égout » pour résumer leur destin mais surprend le lecteur par un final inattendu.
Sans complaisance, sans cynisme ou saillies gratuites, Alexandre Civico définit les contours de cette fissure et l’impossibilité apparente d’une réconciliation sociale. Il décrit à merveille combien Antoine, bourgeois blasé et drogué, archétype au sein de la littérature française, croit être le héros de ce récit, alors que c’est bien le nom de Dolorès qui apparaît sur la couverture du roman. C’est d’ailleurs peut-être le message de ce texte sombre, intelligent et rugueux [...].
C’est noir comme du Léo Malet ou du André Héléna, noir et contemporain. Immanquable.
Alexandre Civico revient avec une critique féroce du machisme et du consumérisme sexuel.
Lui est au bord du gouffre, elle ne regrette rien. Leurs face-à-face en prison dessinent la cartographie d’un pays déchiré, rongé par la souffrance, l’oppression des plus faibles et l’irrémédiable impuissance qui peut étreindre les gens normaux.
La langue est superbement travaillée, les phrases affûtées, les métaphores poétiques, le style a du tranchant, du coffre et du panache.
Noir, farouche, intense.
Alexandre Civico signe un bijou avec ce double portrait aux allures de charge contre une certaine société néolibérale. Tant pour sa construction à deux narrations que pour cette manière habile d’en dire davantage sur ses personnages au détour d’une phrase.
Une femme, un homme ; un électron libre, un chien de garde ; une colère et une mélancolie. Alexandre Civico offre un chapitre à l’un puis à l’autre, sans les renvoyer dos à dos.