Sous-titre
Bouleversements du monde de la vie
“Nous n’habitons plus la terre et le ciel, nous habitons Google Earth et le Cloud. Le monde devient de plus en plus insaisissable, nuageux et spectral.” Tel est le constat de Byung-Chul Han : le monde des choses est en voie de disparition ; le monde concret et durable est érodé au profit d’un univers éphémère où le travail accompli par la main a laissé place au glissement des doigts sur l’écran du smartphone et à une “intelligence” artificielle, qui “pense à partir du passé”, est “aveugle à l’événement”. “Seule la main reçoit le don de la pensée,” souligne Han.
L’ère de la numérisation transforme les choses en simples acteurs traitant de l’information. Mais que deviennent les choses lorsque, pénétrées par les informations, elles s’immatérialisent ?
Le smartphone, la photographie numérique et l’intelligence artificielle sont les principales cibles de cette étude sur l’inhumanité en marche, dont le point d’orgue, a contrario, est un hymne émouvant au juke-box – la chose par excellence. “Son vrombissement lui vient des profondeurs du ventre, comme s’il était l’expression de sa volupté. Le son numérique est dénué de tout bruit de chose. Il est incorporel et lisse. Le son que le juke-box produit relève à la fois de la chose et du corps.”
Sans doute l’essai de Byung-Chul Han le plus nostalgique, le plus touchant et le plus polémique.
janvier, 2022
12.50 x 19.00 cm
144 pages
ISBN : 978-2-330-16190-3
Prix indicatif : 16.00€
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Il résonne en effet comme une question mélancolique qui traverse l’ouvrage entier, lancée à l’adresse d’un monde qui disparaît, celui des choses.
Nourri de Walter Benjamin, et du pessimisme de l’école de Francfort quant à la marchandisation du monde moderne, Byung-Chul Han regrette, dans La Fin des choses, le temps de l’aura, de la présence, de ce qu’il nomme, en une image saisissante, la « chair de poule ». Sa nouvelle cible ? L’ordre numérique, qui instrumentalise et aplanit tout, jusqu’à la forme du smartphone - « À elle seule, sa surface lisse communique un sentiment de manque de résistance. Sur son écran tactile lisse, tout paraît maniable et complaisant ».
Les informations ont remplacé les choses. Tel est le constat alarmé qui ouvre le dernier ouvrage, aussi bref que cinglant, du philosophe germano-coréen Byung-Chul Han. En cherchant à nous libérer de l’opacité inquiétante des choses, avec lesquelles il faut toujours négocier, nous avons ouvert la voie à une aliénation beaucoup plus dangereuse. Privé des « pôles de repos du monde », l’homme s’épuise dans une dispersion incessante de lui-même. Il est urgent de réapprendre à « séjourmer auprès des choses ». Réapprendre le sens de ces « choses du cœur » avec lesquelles nous pouvons tisser des liens durables, dans la mesure où nous reconnaissons leur étrangeté, leur altérité. L’information est toujours immédiatement soumise; la chose doit, au contraire, être apprivoisée.
Byung-Chul Han propose une analyse brillante de nos sociétés numériques, où les existences croulent sous les informations et se coupent de la matérialité du monde. Avec La Fin des choses, cet enseignant à l’université des arts de Berlin formule une critique d’autant plus brillante que l’actualité, à l’heure de l’emballement pour le métavers et les NFT, lui donne une acuité supplémentaire. Le cœur de cette critique tient en quelques mots : alors que la révolution industrielle avait élargi la sphère de la matière, « l’informatisation du monde fait des choses des infomates ».
Une critique à la fois lucide et tendre d'un monde contemporain de plus en plus dominé par le numérique.
Byung-Chul Han parle de l'érosion des choses, de leur progressif remplacement par des entités numériques [...]. Le chapitre le plus saisissant est celui consacré à la pensée et à l'intelligence artificielle. S’appuyant entre autres sur Heidegger et Deleuze, Byung-Chul insiste sur le fait que la pensée relève d’un « processus analogique » : « avant qu’elle n’appréhende le monde sous forme de concepts, elle est saisie, mieux, elle est affectée par le monde », si bien que « la première image de la pensée, c’est la chair de poule ». Ce que ne pourra jamais avoir l’intelligence artificielle, laquelle, du coup, ne pense pas.
C’est peut-être un Coréen vivant et travaillant à Berlin qui parle le mieux de ce que nous réserve le capitalisme numérique.
La modernité numérique déréalise le monde par l’élimination systématique des choses qui sont converties en informations. Pour mener à bien cette opération, elle possède les armes redoutables que sont devenus nos amis quotidiens: le smartphone, les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle, l’Internet des objets.
Le monde n’est plus habité, la vie n’est plus vécue, le temps n’est plus sensible, nous sommes dépossédés de nos vies par les nouvelles technologies: on connaît la chanson nostalgique, souvent reprise sur un ton apocalyptique. Mais le philosophe coréen s’interdit de jouer sur la peur du grand remplacement de l’homme par la machine. II enregistre simplement l’effacement programmé des choses par l’ordre digital. Et la désorientation qui en découle.
Han nous livre une réflexion pénétrante, innervée de nombreuses références littéraires et d’analyses phénoménologiques convaincantes, à l’instar de celle du « non-objet » par excellence qui domine notre quotidien : le smartphone.
Le livre qu'on attendait sur la transformation de nos vies à l'ère du tout-numérique et notre façon un peu bâclée d'habiter le monde et le temps. [...] Un petit essai coupant comme une lame.